Re: ÉCRITURE INCLUSIVE
Publié : 02 oct. 2017
Pierrick, je suis tout à fait d'accord sur le principe "multi-fronts" et sur le fait que le discours "il ne faut pas combattre ici pour mieux taper là-bas" n'est bien entendu pas valide.
Le langage est effectivement très important dans notre manière de penser. D'ailleurs certains disent même qu'il influe véritablement notre façon de voir le monde d'où une plus grande ouverture d'esprit présumée des personnes maitrisant nativement plusieurs langues. Du coup, j'entends que, dans une volonté féministe, on puisse souhaiter adapter notre langage.
Ce que j'affirme (c'est une opinion personnelle qui n'engage donc que moi et je peux comprendre qu'on puisse être en désaccord), c'est que la solution "écriture inclusive" apportée au problème "masculin à valeur générique dans la langue française" n'est pas adaptée. Il faut bien comprendre : je ne dis pas qu'il n'y aurait rien à changer ou à adapter, je dis que je trouve la proposition de changement inepte. Du coup, je la classe simplement dans le sac de plus en plus rempli de propositions se disant féministes que je trouve ineptes et qui, selon moi, décrédibilisent le mouvement dans son ensemble.
Sans vouloir développer plus que ça, je peux tenter de donner quelques éléments d'argumentaire me faisant croire que vouloir imposer une écriture dite inclusive est une mauvaise idée.
Je vais commencer par citer l'Académie Française dans une note au sujet de la féminisation des mots liés à des métiers :
On continue :
Tant qu'à faire pourquoi ne pas supprimer tout bonnement les marques du féminin (é au lieu de ée,...) ou bien créer de toute pièce un "neutre français" (le, la, lu ? )? Ce serait d'autres réponses apportées au "combat" de la langue. Pour me répéter, tout ce que je dis c'est que la réponse apportée actuellement me parait ridicule et donc, à mon sens, décrédibilise le combat féministe.
Le langage est effectivement très important dans notre manière de penser. D'ailleurs certains disent même qu'il influe véritablement notre façon de voir le monde d'où une plus grande ouverture d'esprit présumée des personnes maitrisant nativement plusieurs langues. Du coup, j'entends que, dans une volonté féministe, on puisse souhaiter adapter notre langage.
Ce que j'affirme (c'est une opinion personnelle qui n'engage donc que moi et je peux comprendre qu'on puisse être en désaccord), c'est que la solution "écriture inclusive" apportée au problème "masculin à valeur générique dans la langue française" n'est pas adaptée. Il faut bien comprendre : je ne dis pas qu'il n'y aurait rien à changer ou à adapter, je dis que je trouve la proposition de changement inepte. Du coup, je la classe simplement dans le sac de plus en plus rempli de propositions se disant féministes que je trouve ineptes et qui, selon moi, décrédibilisent le mouvement dans son ensemble.
Sans vouloir développer plus que ça, je peux tenter de donner quelques éléments d'argumentaire me faisant croire que vouloir imposer une écriture dite inclusive est une mauvaise idée.
Je vais commencer par citer l'Académie Française dans une note au sujet de la féminisation des mots liés à des métiers :
Quelques concepts hyper important pour moi : USAGE et ESPRIT DE SYTEME.Dans la 9e édition [...] figurent par dizaines des formes féminines correspondant à des noms de métiers. Ces mots sont entrés naturellement dans l’usage, sans qu’ils aient été prescrits par décret : l’Académie les a enregistrés pourvu qu’ils soient de formation correcte et que leur emploi se soit imposé. Mais, conformément à sa mission, défendant l’esprit de la langue et les règles qui président à l’enrichissement du vocabulaire, elle rejette un esprit de système qui tend à imposer, parfois contre le vœu des intéressées, des formes telles que professeure, recteure, sapeuse-pompière, auteure, ingénieure, procureure, etc., pour ne rien dire de chercheure, qui sont contraires aux règles ordinaires de dérivation et constituent de véritables barbarismes. Le français ne dispose pas d’un suffixe unique permettant de féminiser automatiquement les substantifs.
On continue :
Les règles qui régissent dans notre langue la distribution des genres remontent au bas latin et constituent des contraintes internes avec lesquelles il faut composer. L’une des contraintes propres à la langue française est qu’elle n’a que deux genres : pour désigner les qualités communes aux deux sexes, il a donc fallu qu’à l’un des deux genres soit conférée une valeur générique afin qu’il puisse neutraliser la différence entre les sexes. L’héritage latin a opté pour le masculin. Les professeurs Georges Dumézil et Claude Lévi-Strauss, à qui la Compagnie avait confié la rédaction de ce texte, adopté à l’unanimité dans la séance du 14 juin 1984, concluaient ainsi : « En français, la marque du féminin ne sert qu’accessoirement à rendre la distinction entre mâle et femelle. La distribution des substantifs en deux genres institue, dans la totalité du lexique, un principe de classification permettant éventuellement de distinguer des homonymes, de souligner des orthographes différentes, de classer des suffixes, d’indiquer des grandeurs relatives, des rapports de dérivation, et favorisant, par le jeu de l’accord des adjectifs, la variété des constructions nominales… Tous ces emplois du genre grammatical constituent un réseau complexe où la désignation contrastée des sexes ne joue qu’un rôle mineur. Des changements, faits de propos délibéré dans un secteur, peuvent avoir sur les autres des répercussions insoupçonnées. Ils risquent de mettre la confusion et le désordre dans un équilibre subtil né de l’usage, et qu’il paraîtrait mieux avisé de laisser à l’usage le soin de modifier » (déclaration faite en séance, le 14 juin 1984)
Un catalogue de métiers, titres et fonctions systématiquement et arbitrairement "féminisés" a été publié par la Documentation française, avec une préface du Premier ministre. La presse, la télévision ont suivi avec empressement ce qui pouvait passer pour une directive régalienne et légale » (déclaration adoptée à l’unanimité dans la séance du 25 mars 2002). Or aucun texte ne donne au gouvernement « le pouvoir de modifier de sa seule autorité le vocabulaire et la grammaire du français ». Nul ne peut régenter la langue, ni prescrire des règles qui violeraient la grammaire ou la syntaxe : elle n’est pas en effet un outil qui se modèle au gré des désirs et des projets politiques. Les compétences du pouvoir politique sont limitées par le statut juridique de la langue, expression de la souveraineté nationale et de la liberté individuelle, et par l’autorité de l’usage qui restreint la portée de toute terminologie officielle et obligatoire. Et de l’usage, seule l’Académie française a été instituée « la gardienne.
Voilà qui image bien le problème selon moi : la modification d'une langue doit se faire en fonction de l'usage et non être imposée à l'usage par un système ou une volonté politique. Or l'écriture inclusive, d'une, ne correspond pas du tout à l'usage mais en plus elle tendrait à le complexifier. Déjà à l'écrit je trouve ça très moche et pas pratique mais à l'oral ça devient carrément aberrent. Pour moi c'est une rustine et comme toutes les rustines, elles finissent par sauter. En gros, la forme avant le fond OK parfois mais dans le cas de la langue ça ne fonctionne pas selon moi.En 2002, l’Académie française, opposée à toute détermination autoritaire de l’usage, rappelait qu’elle avait tenu à « soumettre à l’épreuve du temps » les « recommandations » du Conseil supérieur de la langue française publiées en 1990 au Journal officiel au lieu de les imposer par décret
Tant qu'à faire pourquoi ne pas supprimer tout bonnement les marques du féminin (é au lieu de ée,...) ou bien créer de toute pièce un "neutre français" (le, la, lu ? )? Ce serait d'autres réponses apportées au "combat" de la langue. Pour me répéter, tout ce que je dis c'est que la réponse apportée actuellement me parait ridicule et donc, à mon sens, décrédibilise le combat féministe.